Elle est là. Elle n’est pas entrée. Ne sortira pas. Elle ne fait que
parler : elle édicte, commente, reprend, se reprend. Avance ainsi, par la
bouche. Elle lance les mots, les regarde voyager, se glisse à leur suite, s’y
perd parfois. Les lèvres et les mains travaillent et jubilent. De ses mots,
elle se fait une toile : son cinéma à elle, son déguisement aussi. Tissage de
paroles, de formules, choisies aussi parce qu’elles sonnent bien. Comme ces
petits objets précieux que le texte égrène : bibelots, guirlandes parfumées des
fleurs de l’oranger, gants de soie ou de peau.
D’elle, que saurons-nous ? Ses seules affirmations personnelles : je ris
- je ne sais pas - suis là pour ça. Je absent, je vide. Jeu
qui tourne à vide, qui dit un vide. Les mots sont tissés en un réseau brillant
et séduisant, où tout n’est que surface (plan de table ou costume du soir),
mais dangereux et friable. Car les mots résonnent, les souvenirs et les rêves
affluent, les silences exposent. Car dire les autres (fiancée, mariée, père de
famille), c’est se dire autre. Se dire seule, au milieu de ses
fantasmes. Seule face à ceux qui l’écoutent. Alors sourire toujours, et tenter,
au moins, de leur plaire.
Martin Juvanon du
Vachat